Batteries en France : qui les fabrique ?

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Intérieur moderne d'une usine de batteries en France avec machines et ouvriers

36 milliards d’euros. C’est le montant des investissements annoncés dans les batteries en France, depuis 2021. Ce chiffre brut, presque irréel, résume la révolution industrielle en cours. Sur les friches du nord, les chantiers s’enchaînent, les consortiums s’activent, et l’Hexagone tente de rattraper, enfin, un train lancé à pleine vitesse par l’Asie.

La multiplication des gigafactories dans les Hauts-de-France n’a rien d’une anecdote. Quatre usines géantes, portées par des alliances inédites entre industriels français, européens et partenaires asiatiques, prennent forme ou tournent déjà à plein régime. Pourtant, derrière ces façades flambant neuves, le marché français reste dominé par les importations. La Chine et la Corée du Sud continuent d’inonder l’Hexagone de batteries, et la dépendance technologique pèse lourd sur les ambitions locales. La production nationale, toujours à la traîne, peine à absorber la demande croissante, portée par la vague de l’électromobilité et le besoin massif de stockage d’énergie.

Panorama du marché des batteries en France : un secteur en pleine mutation

Le secteur français des batteries connaît une transformation rapide et profonde. Pendant des années, la domination asiatique, notamment sur la technologie lithium-ion, a freiné le développement local. Désormais, la France accélère pour résorber ce retard, portée par l’essor des véhicules électriques et l’urgence de solutions de stockage d’énergie.

La construction des gigafactories dans les Hauts-de-France marque une nouvelle ère. Ces sites ambitionnent de hisser la capacité de production française tout en réduisant la dépendance aux importations. Les enjeux sont pluriels : garantir l’accès aux matières premières, réduire l’empreinte carbone de la filière, et sécuriser l’approvisionnement des constructeurs de voitures électriques. Ces efforts s’inscrivent dans une dynamique européenne plus large, stimulée par la volonté de l’Union européenne de renforcer la capacité de production européenne, face à la pression venue de Chine.

Enjeux et défis

Voici les principaux défis auxquels la filière française doit faire face :

  • Accroître la part de batteries produites en France pour répondre à la demande qui explose
  • Structurer des filières de recyclage et d’approvisionnement local en lithium
  • Améliorer la performance énergétique et la longévité des batteries

Cette métamorphose s’accompagne d’une pression constante sur les coûts et la qualité. Les industriels français doivent composer avec la rareté des ressources, la volatilité des marchés de métaux stratégiques, et la nécessité permanente d’innover pour concevoir des batteries performantes et moins polluantes. Alliances européennes, investissements massifs et recherche structurent désormais ce nouvel écosystème, où chaque acteur aspire à s’imposer dans la chaîne de valeur.

Quels acteurs fabriquent réellement des batteries sur le territoire français ?

Le visage industriel français des batteries s’esquisse autour de quelques champions et d’un tissu d’acteurs complémentaires. D’abord, Automotive Cells Company (ACC), alliance entre Stellantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies, s’impose au centre du jeu. Sa gigafactory de Douvrin, dans le Pas-de-Calais, incarne ce tournant industriel : de la conception à la production de batteries lithium-ion taillées pour les véhicules électriques européens. L’ambition est nette : viser plusieurs dizaines de gigawattheures de capacité dès la fin de la décennie.

Autre site, autre stratégie : à Dunkerque, Verkor façonne sa propre trajectoire. L’usine en construction cible le marché des batteries lithium-ion haut de gamme pour l’automobile et les solutions de stockage. Le projet avance en étroite collaboration avec Renault et s’appuie sur une dynamique d’innovation soutenue.

La diversité du secteur s’exprime aussi avec Blue Solutions (groupe Bolloré), qui fabrique à Quimper des batteries solides pour les transports urbains et des applications stationnaires. Saft, filiale de TotalEnergies, opère plusieurs lignes de production sur le territoire, tandis que le taïwanais ProLogium prépare sa future usine de batteries solides à Dunkerque.

Sur des segments plus spécifiques, des sociétés comme EasyLi développent des systèmes de stockage d’énergie et des solutions pour la mobilité légère. Cette diversité de profils nourrit un écosystème où la France, longtemps à la merci des importations, se donne les moyens de construire une véritable souveraineté industrielle, du développement technologique à l’assemblage final.

Défis industriels et innovations : entre dépendance et souveraineté énergétique

La production de batteries en France se heurte à plusieurs obstacles majeurs. L’accès aux matières premières reste sous tension : lithium, nickel, cobalt. Ces matériaux, indispensables aux batteries lithium-ion et aux technologies NMC (nickel-manganèse-cobalt) ou LFP (lithium-fer-phosphate), proviennent de l’étranger, Asie, Afrique, Amérique du Sud. Les incertitudes géopolitiques et la flambée des prix rendent l’approvisionnement précaire.

Mais le défi ne s’arrête pas là. Il s’agit également de réduire l’empreinte carbone du secteur, alors que la Banque européenne d’investissement et la Commission européenne imposent des standards élevés. Les industriels misent sur des batteries à la durée de vie prolongée, moins voraces en ressources rares, tout en optimisant leurs procédés pour limiter les émissions. La filière explore le recyclage, la relocalisation de certaines étapes critiques et la diversification des sources d’approvisionnement pour gagner en résilience.

Dans ce contexte, la souveraineté industrielle européenne devient un objectif stratégique. Les innovations s’enchaînent : batteries solides, perfectionnement des chimies NMC ou LFP, industrialisation des process. Les consortiums, épaulés par des financements publics, intensifient les efforts pour combler le retard technologique. L’enjeu : permettre à la France et à l’Europe de produire en nombre les batteries pour véhicules électriques et de soutenir la transition énergétique, sans dépendre en permanence des acteurs étrangers.

Sélection de batteries lithium-ion avec étiquettes Made in France sur une table

Initiatives locales et perspectives d’avenir pour la filière française des batteries

Les Hauts-de-France s’imposent aujourd’hui comme la nouvelle place forte de la production de batteries sur le territoire. À Douai, ACC (Automotive Cells Company), alliance de Stellantis, Mercedes et TotalEnergies, a lancé une usine géante pilotée par Yann Vincent. Du côté de Douvrin, c’est le consortium Verkor, en lien étroit avec Renault, qui structure une autre gigafactory. Dunkerque, quant à elle, accueille le groupe taïwanais ProLogium, qui parie sur les batteries solides pour doper la filière.

Cette dynamique ne se limite pas à la seule création d’usines. Elle embarque tout un écosystème : chercheurs, industriels, collectivités, investisseurs. Les collaborations public-privé se multiplient sous l’impulsion de la Banque européenne d’investissement et d’aides régionales. Les objectifs sont clairs : augmenter la capacité de production tout en limitant l’empreinte environnementale. Blue Solutions (groupe Bolloré), EasyLi ou Saft (filiale de TotalEnergies) développent des solutions de stockage innovantes, adaptées aussi bien aux véhicules électriques qu’au stockage stationnaire ou à la mobilité douce.

Quelques sites majeurs

Voici les sites industriels qui incarnent cette nouvelle ère :

  • Douvrin : usine ACC, batteries lithium-ion pour véhicules électriques
  • Douai : gigafactory Verkor en partenariat avec Renault
  • Dunkerque : site ProLogium, batteries solides de nouvelle génération

Aujourd’hui, la filière française s’organise et affiche ses ambitions. Rivaliser avec l’Asie sur la technologie batterie et sécuriser les approvisionnements n’est plus une utopie lointaine. Les industriels, à l’image de Matthieu Hubert (Verkor) ou Yann Vincent (ACC), visent désormais une place de choix sur le marché européen des batteries pour véhicules électriques. Le compte à rebours est lancé. La France, galvanisée par ses nouveaux champions, compte bien s’inviter durablement dans la course mondiale.